Mastiquer autrement


Elle a
cette voix douce
qu'on écouterait
des heures

un chewing-gum
pour les oreilles

De l'autre côté


Elles habitent
de l'autre côté
des ponts
qui partent de
nos yeux
et traversent
le fleuve
des futilités

À la soupe !


Boire demain à la louche
plonger dans sa soupe
devenir ses croûtons
Ramollir

Carotide


Ils se pelotaient au milieu des marguerites quand le ciel passa du bleu au gris. Ils virent glisser un fil de nuages sur son cou, et quelques oiseaux se faire la malle à mesure qu'il s'obscurcissait. Alors que leurs bouches, arrondies de stupeur, s'ouvraient vers l'étrange phénomène, un éclair violent trancha la carotide du ciel. Puis les premières gouttes rebondirent sur leurs visages. Ils restèrent là, dans le champ de marguerites, à le regarder se vider de son sang.

Tuer l'hiver


Il y a ceux qui 
attendent patiemment
que l'hiver succombe
et ceux qui
dans son ventre
versent de l'essence
et y enflamment 
des feuilles mortes

Hamac étoilé


Entre le tronc du chêne
planté dans le soir
et celui du marronnier 
endormi dans le crépuscule
la nuit fait
le hamac

Parution - Microbe #63 - décembre 2010



Un poème dans le Microbe à sortir. Au sommaire : 


Collages de Cathy Garcia
Nicolas Brulebois
Jean-Marc Couvé
Anna de Sandre
Éric Dejaeger
Patrick Frégonara
Antoine Geniaut
Isabelle Jarlin
Roger Lahu
Pierre Mainguet
Carmelo Marchetta
Murièle Modély
Jany Pineau
Thierry Roquet
Salvatore Sanfilippo
Guillaume Siaudeau
Marlene Tissot


Les abonnés le recevront début janvier. Les abonnés « + » recevront également EASY WRITER, mi(ni)crobe 27 signé Roger Lahu. Les autres ne recevront rien. Pour tout renseignement, c'est ICI.

Tête de mort


Elles attendent
qu'on trace des Édens
au creux de leurs mains
nos doigts de crayons
nos caresses prometteuses
Moi je n'ai jamais su dessiner
autre chose que
des têtes de mort

Chaque soir


Chaque soir
jeter un regard vers
le soleil plombé
y voir grouiller
poussières d'insectes
et empires végétaux
Chaque soir 
accrocher ses yeux
à la boule de lumière
quand elle ressemble
à un animal
en voie d'extinction

L'étincelle


Le matin aboie
les rues sont
aussi désertes
qu'une charogne
flanc au ciel
les effluves d'alcool
indiquent la marche
à suivre
le premier bistrot
qui s'éclaire est
(un temple)
une étincelle

Attendre les corbeaux


Les bonheurs comme
des noyaux
et les peines en chair
de cerises
une vie passée
à attendre
les corbeaux

Vitesse de croisière


Par la vitre ouverte
serpent de bitume
espaces argentés
plein les mirettes
tirs oculaires
rapidité avec laquelle
devant
devient
derrière

Autant de vies


Traverser
autant de vies
qu'il y a de morts

1000 sourires

© photo : Fotofolio

Les oiseaux éventrent
l'horizon
quelques flocons
s'échappent de son
épigastre cendré
1000 sourires
d'enfants
les rattrapent

360 °


Rien de plus rond
qu'un œil
qui en cherche
un autre

Canopée


Le ciel
canopée grise
où nos yeux
se balancent
d'un nuage à l'autre

Voodoo

© photo : Eward S Curtis

Chacun ses incantations, ses chemins de traverse, ses gris-gris, ses prières. Chacun ses croyances, ses cérémonials, ses transes. Chacun ses ivresses, ses hypnoses, ses états seconds. Chacun ses shoots, ses piqûres, ses fumées. Chacun ses poudres et ses pilules. Chacun sa merde et la rose qui va avec. Chacun ses propres tentatives pour sortir du labyrinthe.

Parution - Le Zaporogue #9 - décembre 2010


Une petite contribution au Zaporogue #9, sorti tout droit de l'hiver 2010. Au sommaire :

Kris Saknussemm Jerry Wilson André Rougier Marie Simon Belinda Lopez Scott Taylor Kenneth Corrigan Emmanuel Bourdaud & G@rp Layticia Audibert Amrit Lal Nagar (translated by Sheeba Rakesh) Nauro Machado & Luis Augusto Cassas (traduits par André Rougier) Matt Bialer Matthew Rohrer Celina Osuna Ole Wesenberg Nielsen Pierre Escot Alexis Denuy Guillaume Siaudeau Fabien Sauneron Mathieu Diebler Manu Rich Lara Konesky Mark Wilson Maree Scarlett Jean-François Mariotti Djelloul Marbrook Myriam Gallot Olga Zeri Jennifer Breukelaar

Pour commander la revue, ou la télécharger gratuitement, ça se passe ICI

Vaseline


Faut-il être rusé
pour ne pas
se faire baiser
chaque matin
par la lumière
du soleil

Je n'ai
jamais réussi

Chaque fois
l'astre jaune
ramène son cul
devant mes globes
et je me dis que
cette journée
vaut la peine
d'être tuée

Tartiner


De prime abord
on le dirait serein
aimé
compris
l'homme auquel
on sourit
même quand
il fait gris
Pourtant
dans son dos
j'ai vu
assez de couteaux
pour graisser
toutes les tartines
d'un banquet

Belle récolte


Tu voles
entre les jours
notre bonheur
de miel
et les heures
sont des fleurs
je suis
apiculteur

Pour les animaux morts


Contemplation de l'aube
la ville ne dévoile rien
la nuit referme son piège
sur nos carcasses
d'ombre
Je lance une canette
au loin
dans son ventre replet
pour les autres
animaux morts

Bribes d'été

© photo : Jeff  Divine

Bientôt l'été
n'est plus
qu'un souvenir 
minuscule
dans la tête 
de l'hiver

Rouler dans la nuit


Les nuits nous roulent 
dans la farine 
nous font rouler 
les yeux
nous enroulent
les uns les autres
ligotent
nos corps
nos langues
nos vies

Tour de Pise


J'empile
        des idées
                des poèmes
                   des erreurs
                        des victoires
                      des amours
                         des petits tas
                     de haine
                           avec l'espoir
                   que tout ça
                          ne vienne jamais
           à tomber

En rappel

© photo : Worth1000.com

Les souvenirs
ces corps élastiques
qu'on étire
pour s'accrocher
à d'autres prises

Langue de vent

© photo : Jeff Wall

Le vent déroule sa langue
nous lèche les joues
emporte avec lui
un peu de chaleur
pour nourrir
ses rafales

Strange days


Étranges siècles
aux curieuses années
ne pouvaient enfanter
autre chose que
des jours tordus

Du coton dans la bouche

© photo : Denis Olivier

Laisse-moi croire
encore un peu
qu'un jour on pourra
manger les nuages
à la p'tite cuillère

Conte de Noël


Ils attendirent une bonne partie de la nuit. Lui et ses deux mômes. Il leur avait demandé d'être patients, leur avait promis que s'ils restaient éveillés assez longtemps ils ne le regretteraient pas. Ils étaient tous les trois assis sur le sofa à manger du pop-corn, avec déjà un bon nombre d'étoiles dans les yeux. Ils manquèrent de s'endormir à plusieurs reprises, mais l'excitation était une vitamine puissante. Lui, descendit quelques bières, et alimenta le feu jusqu'à ce que les flammes deviennent géantes. Des lances de feu sur les briques de la cheminée. Vers 4h, ils entendirent un petit bruit sourd. Un léger glissement sur le toit qui ne payait pas de mine. Les deux mômes sourirent. Leur papa avait encore une fois raison. Le petit glissement se changea en vacarme, puis en fracas assourdissant. Ils furent aux anges quand le vieil homme en rouge apparut dans l'âtre. Tous les trois, et leurs yeux d'étincelles. Ils n'en rataient pas une miette, jetant à leur bouche encore un peu de pop-corn. Comme au cinéma. Dans la cheminée, la masse rouge flambait de bon cœur, se débattait, criait de douleur. Et alors que les trois spectateurs riaient aux éclats, derrière la barbe en feu, petit à petit, les hurlements du Père-Noël s'éteignaient.

Poudre d'espace

© photo : Roy Mangersnes

Combien d'années-lumière
doit traverser la neige
pour recouvrir les rêves
qui hibernent

Numéro de cirque


Il faut toucher
avec les yeux
sentir
avec le cœur
voir dans le noir
avec ses mains
il faut arriver à faire
tout ça en gardant
les pieds sur une terre
qui tourne

Chanter pour les merles

© photo : Albert Mussoll

Il faut être idiot pour vivre
normalement
convenablement
modérément
alors qu'on pourrait
tout aussi bien devenir
testeur d'escargots
chanteur de symphonies
pour les merles
éventreur de nuages
pilleur de rêves
shampouineur de fougères
Chaque jour je me dis
qu'il faut vraiment être idiot
pour survivre
à nos banalités
quand tout autour
la nature nous apporte
sur un plateau de quoi
passer le reste de nos jours
à faire des choses
qui n'existent pas
dans le dictionnaire

Ophtalmologie


Longtemps cherché
trop loin trop haut
ce que j'ai finalement
découvert
juste derrière
tes rétines

Contribution poilue


Un p'tit poème poilu ce matin chez FPDV

C'est pas une vie


- C'est quand même un sale job, tu trouves pas ?
- Pas pire qu'autre chose....
- Vraiment ? tu trouves vraiment que c'est supportable de jeter la merde des gens dans des bennes qui font trois fois notre taille ?
- C'est comme barman, personne n'a franchement envie de se retrouver de l'autre côté du comptoir, pourtant il en faut...

Extrait du film "C'est pas une vie", 2065.
Tous les autres extraits de films fictifs sont accessibles en cliquant sur l'onglet FILMS, juste en dessous.

Bye bye


Il l'a regardée partir
blotti contre
sa tristesse
Elle a filé dans le noir
et son petit cul
s'engouffrant dans la nuit
était un vaisseau
qui partait à jamais
vers d'autres planètes

Glaces à l'ombre


Les ombres sont comme
les cornets de glace
qui fondent
quand le soleil
fait le lance-flammes
Les ombres n'ont pas
d'autre vocation que
de fondre sous les rayons
et nous couler des pieds
pour rejoindre
les caniveaux
Les ombres ne sont que
les enfants prématurés
de nos soleils

Hors du green


Un petit poème pour les golfeurs du dimanche 
extrait du Traction-brabant n°38,
à lire sur le blog de la voiture-charrue :

Un dimanche à la casse


Aujourd'hui j'vais m'revisser quelques boulons, digérer le trop d'huile d'hier, faire gaffe de pas m'froisser d'la tôle, attendre que la fumée d'mon plafonnier se casse vers d'autres gueules de bois. Aujourd'hui j'vais passer ma journée au garage à essayer de m'réparer pour que demain je puisse me dire : "c'est bon, j'suis comme neuf, à moi la route, à moi la semaine". Jusqu'à la prochaine collision.

Les 6 directions

© photo : Berfak Kinken

Aller de l'avant
protéger ses arrières
mettre ses angoisses
de côté
voir plus loin
viser plus haut
enfin se retrouver
plus bas que terre

À la bougie


Mourir comme écrire
un dernier poème
dans le noir

Cache-cache

© photo :Gérard Thérin

Une lumière au fond de moi
qui brûle mes entrailles
le verso de ma chair
Une lumière qui
me dore les parois
intracrâniennes
et éclaircit à l'occasion
quelques zones d'ombres
Une lumière qui
après réflexion
ressemblerait plutôt
à un petit soleil blafard
avec lequel des cumulus noirs
joueraient à cache-cache

Hippocampe


Cliquez sur l'image pour lire en XXL...

La buée de nos corps


Peaux de verre
buées de corps
traces de mains

Parution - Traction-brabant n°38 - décembre 2010


Quelques poèmes dans le numéro 38 de Traction-Brabant. 
Pour commander ou découvrir cette chouette revue, c'est ICI !

Expressions rebelles


Ce ne sont pas forcément les meilleurs qui partent les premiers
Il faut vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué
On peut être au four et au moulin
La vie tient à plusieurs fils
Impossible d'avaler des couleuvres

28 heures


Il ferait rouge. Il serait 28 heures. Tu te serais fait couler une rivière et y plongerais lentement ton esprit. Les oiseaux chanteraient de vieux tubes et tu les accompagnerais en frappant dans tes pieds. Je serais à côté à siroter un cocktail molotov. Nous serions seuls, et parfois des animaux à la chair tendre sauteraient pleins de dévouement sur la grille rougie par le feu. Ils se feraient rôtir et nous n'aurions qu'à dérouler nos intestins pour manger à notre faim. Un léger vent ferait s'envoler des cerfs-volants sauvages et nos sourires seraient des thèses sur le bonheur. Nous ferions l'amour en haut des arbres après avoir suspendu nos fringues à des étoiles. La vie serait tellement simple. Les nuits ne serviraient plus ni à dormir, ni à ne pas y arriver. La mort aurait été démasquée et nous coulerions des jours heureux. Les romans de science fiction nous sembleraient sortir tout droit d'une bibliothèque préhistorique.

Bricolage

© photo : Hulton-Deutsch Collection/CORBIS

Elle sait bricoler
des sourires
construire des barrages
pour les larmes
et parfois me soude
quelques espoirs
au fond des yeux

Trop haut


Il faut voir l'horizon
comme un fruit
haut-perché
qu'on n'arrive pas
à attraper
et dont on espère
la chute