L'odeur de l'autre côté du pont


Cette journée avait bien commencé. Il s'était levé à l'heure, avait enlevé la feuille du calendrier, et fait bouillir son café. Il s'était ensuite rendu dans la salle de bain, pour s'y brosser les dents, le dos, et dessiner une tête bizarre sur la buée de la glace. Puis il avait enfilé son manteau, ses gants, et son bonnet. Il était sorti et le vent gueulait des trucs qu'il n'avait pas compris. Une histoire de grand froid et de gerçures aux lèvres. Il s'était dit que si toutes les journées s'arrêtaient là, juste avant de monter dans sa voiture pour aller travailler, elles finiraient toutes aussi bien qu'elles avaient commencé. Mais à chaque fois, il ne pouvait s'empêcher de monter dans sa vieille bagnole. Alors il essuyait l'intérieur du pare-brise avec ses gants, et partait en trombe vers l'autre côté de la ville. Après tout, ce n'était pas si horrible que ça. Il ne lui fallait que 12 minutes, le temps de trois chansons à la radio et d'une cigarette et demi, pour rejoindre la merde épaisse qui l'attendait impatiemment de l'autre côté du pont.