Plein le dos crawlé


Les yeux de cette fille sont
trop profonds
et au fond de ses yeux
il y a
la clé du problème
mais lui n'a pas pied
dans ses yeux
Personne n'aurait pied
dans ses yeux
(peut-être un géant 
sur échasses
à voir
à confirmer toutefois)
à priori
personne donc
n'aurait pied
dans ses yeux
et lui n'a jamais su
nager

Les fuites


Les fuites ne sont
rien d'autre que
des retrouvailles
préméditées

Toujours un espoir


Il y a
toujours un arbre
pour s'adosser
pour se planquer
pour graver
pour pisser
pour pleurer
Il y a toujours
une branche
pour se rattraper

Incessamment sous peu...


Ils montent souvent sur le toit de la cabane. Ils y fument, ils y boivent, ils y contemplent les fins de journées déposer leur poudre noire sur le dos des bêtes sauvages. Il leur arrive de graver des phrases inutiles sur les planches du toit. D’y chanter des comptines sans le rythme ni le ton. C’est une vie parallèle qu’ils se construisent petit à petit là-haut. Ils ne croient pas aux pouvoirs prêtés au ciel, dont on dit qu’il accueille et caresse les gens qui cassent leur pipe. Leur ciel à eux est un toit de cabane sur lequel ils auraient volé la place des dieux. Leurs prières sont les bruits que font les bouteilles et les cigarettes encore rouges quand elles atterrissent dans les flaques tout en bas.

Extrait du recueil de textes courts "La ponctualité des escargots", à paraître incessamment sous peu aux Éditions du Petit Véhicule.

Du toc qui brille


Ce matin
au milieu de la cuisine
le silence
est d'or et
nous y sertissons
quelques mots
de pacotille

La touche finale


Dans l’œil
du rapace affamé
le rouge
le jaune
le bleu
et le vert
forment un paysage
flou
Son estomac
lui rappelle
qu'il manque
quelque chose au tableau
Des lames dans le ventre
il attend
la touche finale

De traviole


Ici
à peu près tout
va de travers et
les quelques exceptions
à redresser la barre
parviennent à
filer droit
dans le mur

Le terrier


Mes yeux sont
à ses trousses
Une brèche s'ouvre
entre deux nuages
l'oiseau s'engouffre
J'attends qu'il ressorte
Je fixe l'entrée
Le terrier bleu
est immense
quelques rêves y gigotent

Parution - Dissonances n°26 - avril 2014


Le nouveau Dissonances vient de sortir. Content de faire partie de ce numéro animal ! Pour toutes les infos, ou les modalités d'abonnement, ça se passe sur le site de la revue : ICI.

Pince-moi


Tout ceci semblant 
trop beau
pour être vrai
je lui dis
pince-moi
je rêve
Elle me pince
je rêvais

Béton armé


Il me dit
il faut
ne pas avoir pleuré
depuis trop longtemps
ou avoir fait dans
la goutte de croco
pour croire que
les larmes
sont liquides
Attends-donc
de t'en prendre une belle
sur les pompes

Supercherie


Je sais que
tout ça
est bien triste
mais t'en fais pas
va
la cendre
n'est qu'un sosie
qui profite
du succès
de la poussière

Rien n'est jamais perdu


Il avait
un p'tit vélo
dans la tête
mais l'âme
d'un grand cycliste

Malgré son emploi du temps chargé


Ce même vent qui
réveille
fait voler
rend malade
décoiffe et
fait sécher
érode
creuse
recouvre
tire les larmes
et s'engouffre
Ce même vent qui s'obstine
disperse
et saccage
fait aussi
à ma place
le ménage

Vider son sac


Il avait
plus d'un tour
dans son sac
mais l'autre jour
il l'a vidé et
il ne reste plus
qu'une affaire
dans le sac

Pour courir plus vite


Un de ces matins où
le temps s'arrête
refait ses lacets
repart en courant

Il revient demain


On écrit pour
ranger sa tête
comme on range
sa chambre
après qu'un ami
est venu jouer
tout l'après-midi
Il est rentré chez lui
et maintenant
il faut faire quelque chose
de tout ça
Remettre de l'ordre
mais veiller à ce que
tout reste accessible
parce qu'il reviendra
sûrement demain
Alors il faut 
remettre les choses en place
grossièrement 
sans traîner
parce que la nuit arrive
qu'il va falloir manger
se laver
se coucher

Mots dans les mots


J'ai bien reçu
ta lettre
Les deux dernières lignes valent
toutes les formules de politesse
du monde
Elles ressemblent à
deux phrases amoureuses
se baladant sur le papier
mots dans les mots

Gros yeux et petites bouches


Nos yeux
dans la pénombre
La concision des regards
L'embonpoint du silence
qui a bouffé
à tous les râteliers
Un mot plus pressé
que les autres
tente de s'envoler
se retient
renonce
Finalement devient boule
et se jette
dans ma gorge

Tout fout l'camp


Le jour décline
les arbres mentent
Chaque minute n'en fait
qu'à sa tête
Son ombre
est un caprice
de la lumière

N'importe quoi


Effectivement
sur ce point
nous sommes d'accord
Il ne manque
plus grand chose
pour que ton raisonnement
se touche le nez
avec sa langue

De la tarte


Une chouette chronique sur "Tartes aux pommes et fin du monde" à lire ICI. Merci à son auteur.

À force de patience


Il y a les sourires
qu'on capture
au lasso
Il y a ceux
qui viennent manger
dans la main

50/50


Au fin fond
de l'après-midi
le silence
et une mouche
se partagent
ma léthargie

Multifonction


Les mêmes dents
pour mordre
et sourire
les mêmes mains
pour caresser
et frapper
les mêmes yeux
pour contempler
et pleurer
la même bouche
pour insulter
et flatter
le même cœur
pour aimer
et mourir

En attente de secours


Il arrive 
que mes mains
soient au fond
de mes poches
comme au fond
d'un puits

Cultive ton jardin


Prends-en
de la graine
mais
ne te plante pas